Rilke : Oeuvres en prose, récits et essais
Trad. de l'allemand (Autriche) par Rémy Colombat, Claude David, Bernard Lortholary et Claude Porcell. Édition publiée sous la direction de Claude David avec la collaboration de Rémy Colombat, Bernard Lortholary et Claude Porcell
contient : Récits : Au fil de la vie - Deux histoires pragoises - Les Derniers - Histoires du Bon Dieu - Les Carnets de Malte Laurids Brigge - Autres récits. Essais et articles : Worpswede - Auguste Rodin - Lettres à un jeune poète - Lettres sur Paul Cézanne et sur quelques autres - Autres essais et articles.
Dans sa remarquable préface, Claude David émet l'hypothèse que l'œuvre toute entière de Rilke s'édifie sur une absence, celle de la mère. Il va radicalement à l'absence, c'est-à-dire à la mort qui «mûrit en nous comme un fruit». Car la mère, qui n'est même pas morte (si on peut dire), s'est absentée et la retrouver, c'est l'halluciner. Ainsi s'ouvre le temps et l'œuvre s'inaugure. Par des spectres, qui donnent à voir l'invisible. On sait que le Golem erre dans Prague comme Rilke ne cessera d'errer à la recherche de fantômes qui habilleraient la disparue. «Même Dieu, évoqué presque à chaque page, ce Dieu sans passé, sans tradition, sans contour, sans dogme, n'est guère différent d'une absence. Et les choses elles-mêmes ne sont à leur tour qu'un masque et qu'un décor» note Claude David. Comme les anges dans les églises baroques de Prague, elles sont suspendues dans le vide qui seul leur donne un sens. Dans ce «manchon de néant, à revêtir des déguisements et des masques, soudain on ne se reconnaît plus. Ce n'est jamais la chose, ni l'être que l'on trouve, mais seulement son image, sa représentation». Le deuil, pour s'apaiser, cherche une relique : l'œuvre comme ombre portée de la mère ?