Robin : Le naufrage du siècle. Le cheval blanc de Lénine ou l'histoire autre

En 1979 paraissait Le Cheval blanc de Lénine ou l'Histoire autre de Régine Robin. Il racontait dans une forme nouvelle la rencontre de la petite et de la grande Histoire. Le héros en etait un personnage qui avait traversé le siècle et accompagné ses gloires et ses dechirures : Je pere de la narratrice. Ce petit juif d'un shtetl polonais s'en était allé rejoindre l'Armée rouge où, à «l'appel du grand Lénine se levaient les partisans » comme le disait une chanson célèbre du moment. Biographie qui mêlait le réel et l'imaginaire, ce récit se voulait un hommage à un père hors du commun.
Quinze ans après, l'auteur du Cheval blanc revient sur ce récit. Que reste-t-il de cette épopée ? Tous ceux qui ont adhéré, à l'époque, à ce grand rêve, à cet immense espoir, se sont-ils trompés? Ont-ils été trahis ? Se sont-ils fait happer par la machine totalitaire sans le savoir? Pire ! Ont-ils été complices ? Ce père, ce héros, s'est-il complètement fourvoyé ? La génération qui a vécu ces événements est en train de disparaître. Le héros de ce récit n'a vu ni l'écroulement du Mur de Berlin ni la chute du communisme. Regine Robin s'interroge sur Le naufrage du siede, sur la signification des statues déboulonnées, sur cette volonté de mettre ce récent passé entre parenthèses, sur les révisionnismes de tout bord qui déferlent, sur le statut de l'Histoire comme discipline du savoir gui se brouille, sur l'hypertrophie du mémoriel, sur cette crispation du passé figé dans les musées qui fait bon ménage avec l'amnésie.
Loin d'un néo-stalinisme honteux et naif, loin de cette euphorie qui est devenue la nouvelle vulgate devant l'échec de Gorbatchev et l'écroulement du communisme, Régine Robin reprendrait volontiers à son compte l'expression de Danièle Sallenave : «l'hiver des âmes ».