Rachilde : La Marquise de Sade

Ecrivain vigoureux et prolifique, salué à ses débuts par Hugo et Barrès, Rachilde (alias Marguerite Eymeri, 1860-1953) scandalise ses contemporains par son goût du démoniaque et de la violence, avant de s'imposer à eux comme romancière attitrée des monstruosités psychologiques 'Monsieur Vénus, Les Hors nature, le Meneur de louves...).

Parallèlement, elle fut, auprès de son mari Alfred Vallette, directeur du Mercure de France, une animatrice inlassable, un critique lucide et indépendant (c'est elle qui découvrit Jules Renard, Colette, Alfred Jarry).
Rachilde n'avait pas vingt-sept ans quand elle écrivit la "Marquise de Sade".
fille (comme Rachilde) d'un officier de cavalerie, Mary Barbe a bu, dans son enfance frustrée, non le lait de la tendresse humaine, mais, selon l'hygiéniste alors à la mode, le sang encore chaud des abattoirs. Or, de la santé, le monstre adulte en a à revendre. Des bas-fonds parisiens où l'entraine sa quotidienne tournée des vices, la baronne de Caumont remonte, à l'aube, plus belle et plus avide que jamais, triomphante, inaltérée. Créancière implacable de l'homme, elle s'identifie, "haut le poignard", à ses outrances : un compte immémorial reste à régler.
Notre temps, imbu de freudisme et formé par le surréalisme, ne peut ignorer un champ si merveilleusement ouvert aux pulsions les plus agressives de l'inconscient féminin. Misogyne, Rachilde se défendait d'être féministe. Au moment où s'impose une nouvelle lecture de son oeuvre, gageons que chacun saura y prendre une vivifiante leçon de liberté.